C’est à lire
« Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen »
Thomas Snégaroff
Albin Michel – Janvier 2024 – 246 pages – 19,90€
Qui était Hélène d’Oettingen, née Elena Miontchinska en Ukraine avant de devenir l’une des grandes figures de la Belle Epoque ? Peintre, poétesse, romancière, cette femme passionnée et avant-gardiste fut à la fois muse et mécène, empruntant autant de pseudonymes que de vies. Derrière, une seule et même personnalité hors du commun.
Habité par la légende de son arrière-grand-père, célèbre imprimeur d’art et ami d’Hélène, Thomas Snégaroff retrace le destin de cette femme mystérieuse, morte dans l’anonymat et la pauvreté. Au fil d’une enquête littéraire, il fait de la vie d’Hélène d’Oettingen un roman.
C’est toute la bohème fiévreuse de Montparnasse qui est ici convoquée, celle de Modigliani, d’Apollinaire, du Douanier-Rousseau ou de Picasso, dans les ombres et les lumières des vies rêvées d’une femme éprise de liberté.
Thomas Snegaroff, journaliste et historien, est l’auteur d’essais consacrés à l’histoire de l’Amérique, et d’un roman « Putzi », le pianiste d’Hitler (Gallimard 2020) qui a rencontré un grand succès.
Nouvel ouvrage (à quatre mains) de Catherine Faye, lauréate du GRAND PRIX DU LIVRE AFJET 2021 pour « L’heure blanche » (Fayard) :
« A la vie à la mort – Sur la route avec Thelma et Louise »
Catherine Faye – Marine Sanclemente.
Paulsen – Janvier 2024 – 244 pages – 21€
Deux journalistes, deux femmes, ont sillonné le sud-ouest des Etats-Unis en reprenant exactement l’itinéraire des deux héroïnes du film de Ridley Scott. » Mieux vaut ne pas regarder en arrière, ou tu pourrais finir par pleurer. Mieux vaut ne pas regarder vers le bas, si tu veux continuer à voler. » C’était il y a un peu plus de trente ans. Thelma et Louise se faisaient la malle le temps d’un week-end, et les paroles de BB King avaient quelque chose de prophétique.
A défaut de les sauver, leur soif de liberté les précipitaient dans le fossé. L’accomplissement de soi les fauchant en plein vol, après la tentative de viol sur le parking du Silver Bullet Saloon, le coup de feu fatal, l’irréparable. Leur cavale spectaculaire dans des paysages infinis nous acculait avec elles dans l’impasse, immortalisée dans la dernière séquence, intense, tragique. Film culte des années 1990, pamphlet féministe du cinéma américain, Thelma et Louise est aujourd’hui vu et revu par toutes les générations.
Plus de trente ans après sa sortie, Catherine Faye et Marine Sanclemente ont parcouru l’Arkansas, l’Oklahoma, le Nouveau-Mexique et l’Arizona en suivant l’itinéraire de ces deux figures mythiques pour revivre leur aventure et tenter de comprendre ce que sont les Etats-Unis aujourd’hui. Le duo est l’image de nos héroïnes cinématographiques : une génération les sépare et des conceptions différentes de la liberté de la femme en découle.
Qui plus est, elles ont atterri sur le sol américain peu de temps après l’abrogation de l’arrêt Roe vs Wade, remettant en cause le droit à l’avortement. Au fil de milliers de kilomètres, des rencontres, des échanges et des débats, elles n’ont eu de cesse d’interroger la société contemporaine et ces frontières ténues entre le bien et le mal. Pour que plus jamais le bord du précipice soit l’unique issue.
« Paris dans tous ses siècles »
Charles Dantzig
Grasset – Janvier 2024 – 352 pages – 22€
Que peuvent avoir en commun Victor, écrivain vieillissant qui ne publie plus et devient un commentateur d’actualité grincheux, son amie Gabrielle, galériste quinquagénaire éprise d’un homme beaucoup plus jeune, le fils de Victor, la mère et la fille de Gabrielle, des étudiants qui tentent de devenir artistes, des provinciaux qui rêvent de se faire une place, un escort brésilien, le chat Xanax et le teckel Guillaume, un cadavre qui disparaît, un éléphant qui s’échappe et tant d’autres personnages de cette ronde qui efface les frontières entre les espèces, les espaces et les temps ?
Tous vivent à Paris, cette scène du jugement perpétuel. Or, « Paris est un combat ». Certains cherchent la clef pour conquérir la capitale, d’autres croient l’avoir, d’autres l’espèrent, d’autres pensent qu’elle n’existe pas. Qu’adviendra-t-il des ambitions de chacun ?
Parmi les mille inventions de ce roman qui fourmille de trouvailles, de traits d’esprit, de brio et de profondeur, soulignons quelques surprises :
Au début de chaque chapitre, un animal parle, animal domestique ou symbolique du personnage qui va suivre, et traité à égalité avec lui. De temps à autre, les rues de Paris se complètent de « déroulés historiques » : leur bitume est retiré, des rambardes s’élèvent et les passants assistent, comme du balcon d’un théâtre, à des scènes du passé, celles de la Libération aussi bien que des conversations des « précieuses » de l’hôtel de Rambouillet.
En bas de page, quand les personnages se trouvent dans la rue, sont notées des bribes de phrases qui forment la bande passante de conversations saisies au vol en marchant. On n’est pas plus obligé de les lire que de les écouter, mais elles contribuent à donner sa tonalité à la capitale.
Une façon nouvelle de raconter des vies nouvelles, dans un Paris désordonné, vivace, imprévisible, créatif. Sous les auspices de l’Ulysse de Joyce, du Berlin Alexanderplatz de Doblin et du Pétersbourg de Biély, une histoire à la fois contemporaine et mythologique, un grand roman de la ville.
« Le Carnaval sauvage »
Pierre de Cabissole
Grasset – Janvier 2024 – 216 pages – 20€
Chaque année à Cambaron, petit village du Sud de la France, le carnaval sauvage vient clore les vendanges. Le temps d’une journée, la population s’adonne à un rituel païen et orgiaque où les hommes, masqués et habillés comme des bêtes, chassent les femmes vêtues de blanc, victimes consentantes bientôt traînées dans la lie de vin et les excréments.
Maria n’y a pas assisté depuis qu’elle a intégré l’Ecole Normale Supérieure et enfin pu quitter son « village d’arriérés » où la jeunesse croupie et les femmes comme elle, les homosexuelles, sont moquées ou rejetées. Ce jour-là, elle a laissé son père, veuf taciturne et mutique, en se disant qu’elle devait vivre. Et Agnès, son premier amour, pensant qu’elle pourrait l’oublier. Elle n’a pas pu. Elle revient trois ans plus tard, à l’occasion des vendanges, pour, pense-t-elle, la sauver en la tirant de là. Tandis que la fête sauvage se prépare, son retour ravive les tensions et les haines, prêtes à exploser le jour du carnaval…
Construit comme une bombe à retardement, le roman s’ouvre en pleine bataille, au milieu du carnaval dans lequel Maria cherche Agnès. Il revient ensuite en arrière, au jour de son retour, et avance ainsi jusqu’à rejoindre les festivités et se clore dans le bain de sang de leurs dernières heures. Pierre de Cabissole s’y révèle maître du suspens, aussi fin observateur des nobles sentiments que des ressorts de la rage et de la jalousie. Un livre palpitant, contemporain, une héroïne complexe, et la découverte d’un romancier de talent…