Auteur/autrice : Denis ATZENHOFFER

Journalistes

Strasbourg capitale mondiale du livre

STRASBOURG
CAPITALE MONDIALE DU LIVRE
ET DU DROIT D’AUTEUR

Le 20 juillet 2022, Strasbourg a été officiellement désignée Capitale mondiale du livre en 2024 par l’UNESCO, succédant ainsi à Accra (capitale du Ghana) pour l’année 2023. 

LE LIVRE INSTRUMENT DE LIBERTE
L’histoire de l’humanité a connu des étapes fondamentales.
Ce fut tout d’abord il y a quelques 5000 ans au bord du Tigre et de l’Euphrate l’invention de l’écriture.
D’abord réservée à une petite élite savante, il a fallu attendre Gutenberg et le XVème siècle pour que l’imprimerie permette une plus grande diffusion des écrits.
De nos jour, internet les rend instantanément accessibles à tous.
Le livre, la forme la plus aboutie de l’écrit, est un outil irremplaçable de transmission du savoir et de support à la pensée.
Parce qu’il permet à chacun de forger sa propre opinion, le livre est synonyme de liberté. Ce mot ne découle-t-il pas du latin liber c’est-à-dire libre.
Cela lui a valu d’être l’objet de censures mais aussi outil de propagande.
Mais, malgré cela, sa lecture, qui se défie de l’instantanéité et nécessite de prendre son temps, oblige le lecteur à réfléchir. Le livre ne délivre pas immédiatement son message. La découverte de celui-ci intervient petit à petit au fil des pages.
Ainsi il permet à chacun de construire sa propre opinion.
Alors qu’internet supprime cette phase de construction de la pensée par l’immédiateté de réponses sans détour, le livre reste l’antidote à notre asservissement aux écrans et permet d’être en mesure de trier les informations dont nous sommes quotidiennement abreuvés à plus soif.
C’est pour cela que l’UNESCO, dont la mission est l’éducation de tous, a voulu promouvoir la lecture en instituant chaque année un ville « capitale mondiale du livre ».

POURQUOI UNE CAPITALE DU LIVRE
L’UNESCO, organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture, désigne chaque année et pour un an une ville « capitale mondiale du livre ».
Cette désignation est la reconnaissance de l’engagement de la ville « capitale » pour la promotion des livres et de la lecture.
Pour être choisie la ville doit avoir élaboré un programme d’activités pour l’année de sa nomination.
Cela implique de démontrer un fort niveau d’engagement des autorités publiques mais aussi des professionnels et du milieu associatif.
Bien évidemment le jury de désignation doit être convaincu par la qualité des manifestations prévues mais aussi par leur compatibilité avec les valeurs que l’ONU et l’UNESCO ont pour mission de défendre telles qu’elles ressortent des textes fondateurs de ces institutions : la Déclaration des droits de l’Homme, la Charte de l’ONU et l’acte constitutif de l’UNESCO.
C’est un peu de l’esprit qui animait le baron Pierre de Courbertin lors de la création des Jeux Olympiques de l’époque moderne transposé à l’indispensable outil de liberté et de culture qu’est la lecture.

POURQUOI STRASBOURG ?
Il y a peu de villes au monde qui soit plus légitime à devenir la capitale du livre.
N’est-ce pas dans ses murs, entre 1429 et 1448, que Gutenberg a mis au point son invention qui allait faire entrer la civilisation dans une nouvelle ère ? En rendant accessible au plus grand nombre les livres, l’imprimerie a révolutionné la pensée occidentale, fait naître l’humanisme, permis la Réforme et préparé le chemin au siècle des lumières.
Strasbourg a abrité aux XVème et XVIème siècles de nombreux imprimeurs et si la censure royale a limité leur liberté après 1681, c’est sur l’autre rive du Rhin à Kehl que furent imprimées les œuvres complètes de Voltaire.
Mais ce n’est pas l’histoire qui explique le choix de l’USNESCO, mais une réalité tout à fait contemporaine.
C’est tout d’abord l’environnement culturel existant dans la ville.
Le maillage serré de l’offre tant en librairies indépendantes qu’en bibliothèques ouvertes au public, comme la BNU Bibliothèque Nationale et Universitaire aux plus de trois millions de documents dont plus de 5.200 papyrus…
Son université et ses 57.000 étudiants, dont 20 ? d’étrangers venant des quatre coins du monde, et 2.100 enseignants-chercheurs.
Ces théâtres dont notamment, un national, le TNS et une scène d’avant-garde ouverte aux autres cultures, le Maillon.
Sa vie musicale avec pour phares son orchestre et son opéra et ses nombreux musées.
L’ouverture à l’international qui ne tient pas seulement à sa proximité géographique et culturelle avec le monde rhénan et à sa qualité de siège d’institutions européennes mais aussi à une tradition de jumelages avec des villes de tous les continents.
Le jury a aussi relevé l’intensité et la constance des actions en faveur de la lecture en direction de tous les publics des plus jeunes aux aînés quelques soient leurs origines.
Impossible de citer ici tous les évènements particuliers qui jalonneront cette année : lectures, conférences, expositions, spectacles…
Enfin la ville siège de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne pouvait que promouvoir, par ces actions, les droits aux quels tout humain peut prétendre que sont la liberté, l’égalité dans la diversité, la dignité et la fraternité dans le respect de notre planète.
Après Grand-ile et Neustadt, inscrit depuis 1988 au patrimoine mondial de l’UNESCO, voilà maintenant la ville « capitale mondiale du livre et du droit d’auteur !
Inauguration officielle prévue le 23 avril 2024.
Strasbourg méritait cette reconnaissance.

Voilà les 5 thématiques de cet événement mondial : Lire dans les pensées, lire l’avenir, lire sur les lèvres, lire à haute voix, lire entre les lignes.
       

Direction de la culture
Ville et Eurométropole de Strasbourg
1 place du Maréchal de Lattre de Tassigny
67000 Strasbourg
+33 (0) 3 68 98 50 00

Journalistes

En passant par la Lorraine

Nancy-Lima histoire dun voyage de retour.

Les Européens, diplomates, colonisateurs ou simples touristes ont depuis des temps immémoriaux rapporté chez eux des objets et des œuvres dart produits par les civilisations quils découvraient. Nos musées et bien des collections particulières en sont pleins. Aujourdhui leur retour est réclamé et cette revendication se heurte à des oppositions. Elle est parfois même source de conflits diplomatiques.

LOdyssée dun tissu péruvien en passant par la Lorraine : histoire dune restitution

L’exemple le plus célèbre étant les frises du Parthénon acquises par un diplomate anglais de l’occupant ottoman. Il arrive cependant qu’un pays se voit offrir généreusement le retour d’une œuvre dont il ignorait même l’existence. C’est ce qui vient de se passer à Nancy.

Il y a cinquante ans un jeune homme accompagné d’amis est parti à la découverte du Pérou. Pendant deux mois et demi, les compères ont sillonné ce pays un sac à dos pour tout bagage. Amateur de paysages, de rencontres et de découvertes culturelles de ce merveilleux pays, dont tout lecteur de Tintin a rêvé, notre jeune nancéen était soucieux de rapporter un souvenir de son périple. Ainsi il s’est vu proposer, pour une bouchée de pain, dans une arrière-boutique de Trujillo une étoffe, apparemment ancienne, typique de l’artisanat local aux dessins géométriques et aux couleurs un peu fanées. Son pécule de voyage lui permettant cette « folie », il a rapporté ce bout de tissu en Lorraine pour décorer son intérieur.

Un voyageur soucieux du patrimoine
Les années passant, conscient qu’il s’agissait sans doute d’un morceau de linceul, vraisemblablement issu du pillage d’une tombe, il a trouvé illégitime de le conserver égoïstement ou à plus forte raison d’en tirer profit en le vendant.

A qui devait revenir cet artefact, si ce n’est au pays de celui dont il avait enveloppé la momie ? Il a alors pris contact avec les autorités consulaires péruviennes en France et vient de leur remettre ce qui s’est révélé, après analyses scientifiques, être un tissu de la civilisation Chancay (entre 1000 et 1470 après J.C.) qui a précédé les Incas et bien évidemment la conquête espagnole.

Que ce beau geste serve d’enseignement à tous les amateurs de civilisations lointaines.

Elles méritent d’être découvertes et étudiées mais non d’être dépouillées !

Journalistes

Le Musée du bagage

Pourquoi ne pas faire une halte à Haguenau entre Strasbourg, l’Alsace du Nord et ses villages aux maisons à colombages comme Hunspach « village préféré des français en 2020 ».

Cette ville est injustement oubliée des circuits touristiques. Elle abrite notamment un musée aux collections originales qui devrait passionner tous les amateurs de voyage : le MUSÉE DU BAGAGE.

 Il n’y a pas de voyage, de déplacement d’hommes sans qu’ils emportent avec eux un bagage.
Que ce soit un balluchon, un sac, une valise voire une malle, le voyageur emportera dans son déplacement le strict nécessaire ou au contraire de multiples affaires selon ce qui lui parait utile voire indispensable.
A Haguenau au nord de l’Alsace un couple admiratif de la créativité et du savoir-faire des malletiers a réuni une exceptionnelle collection de bagages des XIXème et XXème siècles , unique en Europe, qui a conduit à l’ouverture du « Musée du bagage ».

Une collection exceptionnelle
Le mode de déplacement utilisé conditionne l’importance des objets et effets qui l’accompagnent. Le marcheur ne sera pas aussi chargé que le passager d’un transatlantique.

Il en est de même de l’objectif et de la durée du voyage. Qu’on parte pour un long séjour ou seulement un bref weekend, le type de bagages ne sera pas le même.
Du contenu dépend le contenant et vice et versa.
Enfin le mode de vie du voyageur joue également son rôle.
A chaque époque et à chaque classe sociale ses bagages. Ils sont révélateurs des modes de vie et de la sociologie de leur époque.
Chaque bagage raconte donc l’histoire de son propriétaire, qui peut être célèbre ou anonyme, et de son époque.  Tous nous apprennent quelque chose.
Chaque bagage par ses caractéristiques techniques et ses qualités esthétiques révèle aussi l’ingéniosité et le savoir-faire de l’industriel ou de l’artisan.

La reconstitution d’un atelier de malletier permet de percer un peu les mystères de leur fabrication.

Sont ainsi réunis à Haguenau de la simple sacoche aux réalisations ingénieuses et même artistiques des plus grands faiseurs : LOUIS VUITON, GOYARD ou encore MOYNAT…

UNE RECONVERSION A 180°
Entre l’informatique et un métier de l’artisanat d’art il existe un fossé que Jean-Philippe ROLLAND n’a pas hésité, soutenu par son épouse Marie, à franchi.

« Lassé par l’obsolescence quasi instantanée de mon travail, j’ai voulu me consacrer à sauver ou créer des objets qui traversent les temps » explique-t-il.

Passionné par le travail du bois et par les objets qu’il permet de créer, Il a abandonné les algorithmes pour se consacrer au travail minutieux et inventif du malletier.
Suprême reconnaissance, son atelier de fabrication et de réparation de malles a été consacré « entreprise du patrimoine vivant ».
Mais un amoureux des objets passant entre ses mains ne pouvait pas être également collectionneur.Avec une prédilection première, par tradition familiale, pour la période napoléonienne, il a commencé à rassembler des bagages de cette époque. Mais rapidement ses champs de recherche se sont élargis jusqu’à nos jours.
Ce sont des centaines de bagages du plus simple au plus sophistiqués que lui et Marie ont réunis.
En vrais collectionneurs Jean-Philippe et Marie ROLLAND ne pouvaient que vouloir partager avec tous leur passion.

Ainsi est né en 2016 le Musée du bagage.

DES OBJETS INSOLITES ET EXCEPTIONNELS
Si la collection, dans un souci d’exhaustivité et de pédagogie comporte des objets du quotidien, elle renferme aussi des créations qui par leur destination, leur réalisation ou leur propriétaire sortent de l’ordinaire et sont de véritables objets artistiques ou historiques.

Parmi les 200 bagages présentés, l’œil du visiteur sera attiré par la malle safari qui permettait d’emporter avec soi 80 ustensiles du quotidien du lavabo à la salière dans les contrées les plus lointaines qui rappelle l’époque où la cour allant de châteaux en châteaux faisait suivre tout son mobilier.
Comment ne pas citer ce lit de voyage conçu pour un explorateur soucieux de son confort et peut-être d’éviter de voir son sommeil troublé par quelques insectes ou reptile rampants.
Ou encore cette malle permettant à la cantatrice Lily Pons de ne pas être séparée de ses trente paires de chaussures !

Crédit photographique : Musée du bagage

Le MUSÉE DU BAGAGE
5, rue Saint-Georges

67500 HAGUENAU
Ouvert du mercredi au dimanche

Denis ATZENHOFFER

Journalistes

170 ans du musée UNTERLINDEN

Colmar n’est pas seulement la « carte postale » de l’Alsace.
Elle abrite aussi une institution qui fête cette année ses 170 ans d’existence.
Il s’agit du musée UNTERLINDEN.

Il y a effectivement plus d’un siècle et demi, quelques érudits regroupés autour de Louis HUGOT, archiviste et bibliothécaire de la ville de Colmar, ont fondé la SOCIETE SCHONGAUER du nom d’un peintre colmarien de la fin du moyen âge et été à l’origine du musée UNTERLINDEN installé dans l’ancien couvent des Dominicaines « sous les tilleuls ».
Aujourd’hui il est un des rares, si ce n’est le seul, Musée de France géré et administré par une association de droit privé.
Il abrite notamment une exceptionnelle collection de peintures, sculptures et gravures des XVème et XVIème siècles œuvres d’artistes du Rhin supérieur.

Mais surtout figure parmi celles-ci le retable d’Issenheim réalisé en 1516 par le peintre Matthias GRUNENWALD et le sculpteur Nicolas de Haguenau qui ornait le maître autel du couvent des Antonins d’Issenheim dont la mission était d’accueillir et de soigner ceux qui souffraient du mal des ardents.

Ce retable tant au niveau pictural, symbolique et même théologique marque le passage du moyen âge à la Renaissance et à la Réforme.

Il continue d’inspirer des artistes contemporains. Certains sont d’ailleurs présents dans la nouvelle extension du musée, consacrée aux collections d’art moderne et contemporain. Celle-ci a été conçue par les architectes stars bâlois HERZOG et de MEURON qui ont réaménagé l’ancienne piscine de 1906 et imaginé la jonction avec l’ancien couvent médiéval.

Cet anniversaire est marqué par une exposition autour des onze personnes incontournables ayant joué un rôle important dans l’histoire du musée, l’action et la personnalité de chacune d’entre elles étant illustrées par des témoignages, des œuvres ou plus simplement des objets.

Musée UNTERLINDEN
Place des Unterlinden, 68000 COLMAR

Exposition-anniversaire 14.10.2023-04.03.2024

Journalistes

Des étoiles plein les yeux

Un voyage dans le cosmos.

Aussi loin qu’on remonte dans les temps, les humains, en regardant le ciel, ont cherché dans les étoiles à entrer en contact avec le divin et à connaître leur destin.
Avec les temps modernes et l’effacement de l’idée de dieu, les scientifiques comme le commun des mortels ont continué à y chercher des réponses sur l’origine et l’avenir du monde et la présence de la vie dans l’univers.

Observer les étoiles
L’Université de Strasbourg malgré, ou plutôt, à cause des vicissitudes de l’histoire alsacienne a bénéficié de l’intérêt des pouvoirs centraux de Berlin ou de Paris qui voulaient en faire une vitrine de leur supériorité intellectuelle.

Ainsi dès 1881 le département d’astronomie de l’Université était doté d’un observatoire.
Ce n’était pas le premier à Strasbourg qui en avait déjà un en … 1673 !
Mais l’Université à côté de sa mission de recherche a aussi celle de transmission des savoirs.
C’est pour assurer cette dernière qu’elle a construit en 1982 un premier planétarium. C’est-à-dire une salle de spectacle ayant pour objectif de sensibiliser tous les publics à l’astronomie.

Salle de spectacle et laboratoire
S’il n’était pas le premier en France, il était à l’époque le seul à être adossé à un laboratoire de recherche universitaire.

Après plus de 40 années de bons et loyaux services, il vient d’être remplacé par un nouveau planétarium dans lequel confortablement installés sous un écran panoramique de 15 mètres de diamètre, grâce un simulateur d’univers et aux plus récentes techniques audiovisuelles, nous pouvons à loisir examiner l’univers qui nous entoure.
Aujourd’hui nous ne savons plus observer le ciel, connaître les constellations, les étoiles, la voie lactée et au-delà. Mais aussi la météo, parfois, et surtout la pollution atmosphérique et lumineuse qui entoure la terre d’un voile souvent difficile à percer nous en empêche.

Incitation et invitation au voyage
Le planétarium nous permet d’entrer dans ce monde inconnu qu’est l’Univers. Un monde qui ne cesse de nus interpeller.

Il nous invite à un voyage intersidéral à côté duquel les parcs d’attraction font pâle figure.
Des films sur des thèmes qui questionnent l’origine de l’univers, de la vie et la protection de celle-ci complètent l’observation du ciel.
Vous en ressortirez la tête plein d’étoiles et l’esprit ouvert à l’infini.

balades en france

Eloge du voyage pédestre

Il y a plusieurs sortes de voyages.

Il y a les voyageurs qui partent à la découverte de nouveaux pays, paysages, populations, cultures jusqu’à alors plus ou moins inconnus.

Certains sont à classer parmi les voyageurs frénétiques, les collectionneurs qui additionnent les déplacements pour pouvoir dire « j’ai vu tant de pays, parcouru tant de kilomètres ». Le tour du monde en quelques semaines, marathon qui relève de l’exploit sportif.

Il y a aussi les voyages redécouverte, introspection, retour sur soi, sur ses souvenirs. Ils exigent une certaine lenteur.

Les pèlerinages en font partie.

Les chemins de Saint Jacques de Compostelle, qu’ils soient réelle quête spirituelle ou non, en sont l’exemple le plus célèbre.

Il en est d’autres plus personnels, plus originaux.

Suivant les conseils énoncés dans mon billet d’humeur écrit au début du confinement, j’ai parcouru ma bibliothèque.

J’y ai retrouvé un livre de poche acheté au hasard d’un passage en librairie. « Remonter la Marne » de Jean-Paul KAUFFMANN, (Fayard 2013)

Cet ancien journaliste a appris pendant ses trois ans de captivité dans les geôles du HEZBOLLAH la valeur de la vie intérieure.

Son livre raconte la réalisation d’un projet pour le moins surprenant : remonter de la mégalopole parisienne le cours de la Marne jusqu’à sa source sur le plateau de Langres. Traverser une France qui n’attire pas le touriste et se bat pour ne pas mourir. La France périphérique des journalistes d’aujourd’hui.

Jean-Paul KAUFFMANN n’est pas parti le guide vert ou le Routard en poche. Il a pris pour compagnon de route « Chemin faisant » de Jacques LACARRIERE. Il n’y a pas trouvé d’indication de lieux, de directions pouvant l’aider dans son cheminement. Pour cela il avait les cartes de l’IGPN !

Ce livre était pour lui un guide « spirituel » le ramenant à l’esprit de son aventure. Ce « journal d’un errant heureux » constitue en effet une invitation au vrai voyage, celui où on sait s’arrêter, écouter, observer.

Choisir de remonter la Marne jusqu’à sa source est une remontée dans le temps, C’est vouloir retrouver des paysages que la modernité n’a pas chamboulés, des hommes et des femmes qui vivent leur vie loin de la frénésie des grands centres urbains.

La Marne s‘appelait à l’époque gallo-romaine « MATRONA » la mère nourricière. Pendant longtemps elle a été, comme beaucoup de rivières, une voie de communication source de richesses. Plus tragiquement, elle est associée à une des grandes batailles de la première guerre et à d’autres faits d’armes aujourd’hui oubliés.

Il y découvre des paysages agressés par une modernité laide. Il passe sous le pont de la Francilienne « monstre rugissant qui s’élève au-dessus d’un paysage de voies ferrées, de quais de déchargement, d’amoncellement de sable de détritus… ».

Endroit où la rivière, aux confins de la région parisienne, est « assiégée » et mène « un combat d’arrière-garde »

Mais aussi des lieux pleins de charme, la rivière en remontant son cours gagnant finalement son combat contre la modernité ou peut-être ne l’ayant pas encore perdu.

Partout l’histoire, la grande mais aussi la petite, affleure. Il la ressent et en recherche les traces jusqu’à celles de son enfance à Vitry-le-François

Au-delà de Chaumont il erre longtemps dans ce « grand pays désert, un royaume inviolé » du plateau de Langres pour découvrir la source ou plus exactement les sources de la Marne en essayant de ne pas perdre la trace de ce petit ruisseau qui en nait et qui deviendra cette opulente rivière qui aurait pu devenir un fleuve si la Seine ne lui avait pas ravi la prééminence.

Les contrées traversées, malgré la faible densité de leurs populations, ne sont pas des déserts humains.

Le marcheur y rencontre de gens originaux mais aussi plus « normaux », des ambitieux, des passionnés comme des passéistes qui se sont retirés du monde qui les entoure.

Il s’arrête chez une artiste qui vit sur une ile au milieu de la rivière, retrouve un ami qui l’accompagne un temps, un jeune asiatique étudiant les méandres de la rivière, parcourt la rivière avec un Maître des Eaux, « un homme taiseux, présence singulière, une tranquillité dense, inamovible » …

Bien d’autres personnages pourraient être évoqués.

Toute cette accumulation de sensations, d’échanges, de réflexions n’a été possible que grâce à la lenteur du déplacement pédestre qui permet de voir, d’entendre de réfléchir.

Le paysage ne défile pas, au contraire il enveloppe le marcheur, lui impose son rythme fait du cours des eaux, de celui des nuages dans le ciel et du vent dans les arbres.

Que de moments de grâce qui font oublier la fatigue, le froid, l’humidité, les ampoules aux pieds…

Certes Jean-Paul KAUFFMANN n’a pas fait preuve d’originalité en relatant sa randonnée. Beaucoup d’auteurs, comme LACARRIERE l’ont précédé dans ce genre littéraire et le suivront.

Le généticien Axel KAHN, pour ne citer que lui, (« Pensées en chemin : ma France, des Ardennes au Pays Basque » Stock 2018) a aussi chaussé ses chaussures de marche pour traverser la France en diagonale à la rencontre des français oubliés qui vivent loin des métropoles parfois dans des régions frappées par la désindustrialisation.

Cependant son objectif était plus sociologique et son périple comme ses rencontres plus organisés alors que Jean-Paul KAUFFMANN, lui, ne cherchait pas ces dernières préférant les cueillir au hasard du chemin.

Je suis sûr que vous pourriez citer de nombreuses autres lectures retraçant de tels périples (je pense notamment à nos lauréats 2019 Pierre ADRIEN et Philibert HUM « Le tour de France de deux enfants d’aujourd’hui » (en voiture toutefois !).

Mais j’espère vous avoir donné l’envie de lire ou de relire : « Remonter la Marne ».

Denis ATZENHOFFER