Le Citron de Menton

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Le Citron de Menton

Il est jaune-vert, un peu gros et souvent biscornu, il peut se conserver en restant sur l’arbre et être cueilli à la demande, sa peau s’épaissit avec le temps, mais elle est comestible, il est plus sucré et moins acide que les autres, il a sa fête traditionnelle en hiver… Un drôle de citron que celui de Menton, mais quel goût !

Luisa est intarissable sur le sujet ! La cinquantaine juste passée, cette piémontaise d’origine a quitté son Italie natale il y a cinq ans pour créer avec son fils au centre de Menton sa boutique-atelier de traiteur «pasta piemonte». Elle bénéficie aujourd’hui de la première certification BIO de ce genre dans les Alpes Maritimes.
En arrivant, elle redécouvre le citron local, dont la renommée avait quand même franchi la frontière, et s’enthousiasme : «j’ai immédiatement vu qu’il serait possible d’allier la riccotta avec le citron de Menton. Sa faible acidité permet en premier lieu de réaliser avec le fromage un mélange stable. Mais surtout, avec la vivacité d’un côte et la rondeur de l’autre, les arômes et les saveurs entrent en harmonie !». Tout en développant sa boutique de pâtes fraîches, Luisa crée la recette du «ravioli au citron de Menton», recette dont elle est désormais propriétaire.

Mais l’agrume mentonnaise inspire aussi nombre de sites gourmands. Des boutiques spécialisées telles «la Maison du Citron», installée à Menton bien sûr mais aussi à Cannes et Lyon,elles offrent un éventail de créations au citron de Menton : tapenades, moutarde, vinaigre, huile d’olive, et du côté des patisseries : tartes au citron, crèmes, pâte de fruit, jusqu’au chocolat fourré au citron.

Les restaurateurs, qu’ils soient de renom ou pas, ont également bien intégré les atouts du citron de Menton : une façon pour eux de réveiller certains plats, tout en utilisant un produit très local, le plus souvent cultivé en bio. Petit moment de convivialité en fin de repas, nombre d’entre eux offrent le Limoncello, liqueur traditionnelle d’origine italienne, mais faite à Menton avec le citron du cru.

Mais en fait, qui est il ce citron?

Il faut escalader les pentes raides qui dominent la mer au dessus du village pour le rencontrer sur son terroir. Car on peut désormais parler de terroir : le citron de Menton bénéficie depuis 2015 d’une Indication d’Origine Protégée (IGP), norme de qualité européenne qui reconnait son origine et sa qualité. On le cultive là depuis le 15ème siècle : trois siècles plus tard l’activité atteint son apogée avant que s’amorce un déclin régulier aggravé par l’absence de port, l’essor du tourisme et surtout le gel de 1956. Mais depuis une vingtaine d’années, sous l’impulsion d’une quinzaine d’agrumiculteurs passionnés, la culture du Citron de Menton est en plein essor et atteint aujourd’hui les 200 tonnes.

Le milieu naturel très montagneux, la taille des parcelles et leur accès particulièrement difficile empêchent toute mécanisation. D’une façon obligatoire, la culture est ici traditionnelle, sur des restanques et majoritairement en agriculture biologique. Le Citron de Menton n’a d’autre choix que d’être authentique.
Le Citron de Menton a une bonne résistance au froid. Menton, qui bénéficie d’un climat particulièrement doux, tempéré par la proximité de la mer, est cependant la zone de production la plus septentrionale pour cet agrume. Les recherches menées dans le cadre de l’I.N.R.A. montrent que «cette variété est riche en acides et en essences. Sa peau a une forte teneur en huiles essentielles».

C’est un «quatre saisons» avec une floraison importante au printemps qui se prolonge jusqu’à l’automne. Une particularité : on peut trouver sur un même arbre, des fleurs, des fruits verts et des fruits mûrs ! Un solide atout : le fruit peut se conserver sur l’arbre pendant plus de huit mois !

Laurent Gannaz, (La Maison du Citron), qui cultive ses 350 citronniers au dessus de Menton confirme: «Le citron de Menton murit en Janvier, mais nous le laissons sur l’arbre car il grossit peu à peu. Sa peau s’épaissit, se charge d’arômes, d’huiles essentielles, et la pulpe devient moins acide et plus sucrée. C’est une sorte d’affinage naturel très particulier à cette variété, et l’on peut d’ailleurs consommer autant la pulpe que la peau du Citron de Menton. C’est bénéfique car les principes actifs se concentrent dans la peau et c’est bon car il n’y a pas d’amertume dans la partie épaisse et blanche de la peau, qui s’adoucit avec le temps».

A Menton, le citron a sa fête : la ville a eu son carnaval dès 1876, mais le nom de fête du Citron apparait seulement en 1934 lorsque cette fête populaire a été résolument dédiée au citron. Depuis, elle se tient chaque année début mars avec en particulier un défilé de chars entièrement décorés de citrons et d’oranges.

Le terroir, la variété, le savoir-faire des cultivateurs, qui ont conduit à la reconnaissance en IGP, assurent certainement le développement du Citron de Menton. L’intérêt indéniable des restaurateurs et des gourmets vient confirmer que cette étonnante agrume locale est promise à un bel avenir.

François Millo

millo.f

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